Comment nous adapter à un monde qui brûle?

Décrit comme « l’été le plus froid du reste de nos vies », la période estivale 2022 a  vu l’apparition de plusieurs feux de forêt qui ont ravagé des centaines de milliers d’hectares dans le monde. En Europe, c’est le pourtour méditerranéen en particulier qui est ravagé par les flammes, mais également des pays jusqu’à présent relativement peu touchés par ces phénomènes comme le Royaume-Uni où plusieurs incendies sont survenus quelques jours après l’enregistrement de températures records. Si ces phénomènes climatiques extrêmes sont voués à se multiplier ces prochaines années, la question est de savoir comment limiter les départs de feux et leur taille mais aussi et surtout nous adapter à ces conditions extrêmes?

LES FORTES CHALEURS ET LES INCENDIES CONTINUENT DE DEVORER LE MONDE

Après une canicule qui a duré plus de 2 semaines, la vague de chaleur qui s’est abattue sur l’Espagne depuis le 9 juillet n’en finit pas. Le sud du pays, notamment les régions de Cordoue et d’Andalousie, devrait connaître des températures allant jusqu’à 45 degrés. En raison de cette canicule, couplée au déficit de précipitations depuis le début de l’année, le pays est à un risque « extrême » d’incendie selon les prévisions de l’agence météorologique nationale (Aemet). Entre le 10 et le 23 juillet, les incendies ont brûlé près de 100 000 hectares de forêt, soit plus que pendant toute l’année derrière, du jamais vu depuis dix ans pour la péninsule ibérique. Ce sont plus de 200 000 hectares qui ont déjà brûlé en Espagne depuis le début de l’année, selon le système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS), en faisant le pays le plus touché du continent par les incendies.

La Grèce a été aux prises de trois importants feux de forêts dans le nord, le sud et l’est fin juillet, obligeant à évacuer touristes et habitants. La crainte de nouveaux sinistres en raison de la vague de chaleur qui s’est abattue sur le pays est présente. Dans le nord du pays, les pompiers ont lutté contre un violent incendie dans le Parc national Dadia, le plus grand site Natura 2000 de Grèce. Le feu, exceptionnellement difficile, selon le porte-parole des pompiers Yiannis Artopoios, a détruit près de 500 hectares de forêt. Selon les pompiers grecs, il y a eu 53 départs de feu en 24 heures. L’an passé, les feux de forêt avaient détruit 103 000 hectares et provoqué la mort de trois personnes en Grèce.

Qu'est-ce qu'un site Natura 2000?

Outils fondamentaux de la politique européenne de préservation de la biodiversité, les sites Natura 2000 visent une meilleure prise en compte des enjeux de biodiversité dans les activités humaines. Ces sites sont désignés pour protéger un certain nombre d’habitats et d’espèces représentatifs de la biodiversité européenne.

En Europe, le réseau représente 27 522 sites et couvre 18 % des terres et 6 % de la zone économique exclusive. La démarche du réseau Natura 2000 privilégie la recherche collective d’une gestion équilibrée et durable des espaces qui tienne compte des préoccupations économiques et sociales.

Régulièrement sujette aux incendies de grande ampleur ces dernières années, l’ouest américain et en particulier la Californie, connaît un très net allongement de la saison des incendies, un phénomène que les scientifiques attribuent au changement climatique. Le 22 juillet “l’Oak Fire” prend naissance dans la région de Mariposa, à l’entrée de la sierra nevada. Dans les premières heures, l’embrasement a été si intense que la fumée a été observée depuis l’espace, recouvrant une superficie de la taille du quartier de Manhattan, à New York. En trois jours, le feu a quadruplé en superficie, passant de 1 600 hectares à 6 000 hectares dimanche 24 juillet. Les pompiers ont décrit un incendie au comportement « sans précédent », projetant des étincelles à plus de 1 mile (1,6 km) à la ronde. Si les causes du départ de l’incendie sont en cours d’examen, les climatologues sont formels : il est alimenté par les arbres morts et les buissons desséchés, fléaux qui tendent à se multiplier dans cette région victime de sécheresse chronique. John Heggie, le responsable des pompiers de Californie estime qu’il est un « résultat direct du changement climatique : on ne peut pas avoir dix ans de sécheresse en Californie et s’attendre à ce que les choses ne changent pas ».

D’après Hervé Le Treut, Climatologue spécialiste de la simulation numérique du climat et président du comité scientifique régional Acclima-Terra : « Globalement, le réchauffement climatique agit partout à la hausse et de manière inéluctable. L’augmentation des émissions de gaz à effet de serre depuis des décennies a pour conséquence des périodes de fortes chaleurs qui seront potentiellement plus fréquentes et plus longues dans les années à venir. Quand on regarde quarante ans en arrière, l’évolution est phénoménale. La tendance est à une forte croissance et il n’y a aucune raison que ça ne continue pas d’augmenter pendant encore de nombreuses années. Et il n’y aura pas de capacité à revenir en arrière avant un temps très long. »

Ainsi, des régions ou des pays autrefois peu affectés par les incendies de grandes ampleurs subissent à leur tour les conséquences du réchauffement climatique.

« Les pompiers de Londres font face à un certain nombre d’incendies liés à la météo« , a tweeté le 24 juillet la London Fire Brigade, précisant qu’entre minuit et 17 heures, les soldats du feu ont réalisé plus d’interventions que sur une période habituelle de 24 heures. Les pompiers de Londres ont été mobilisés contre trois incendies de végétation liés aux températures élevées et au vent autour de la capitale. Un quatrième s’est déclenché dans le Surrey proche, quelques jours après qu’un record de chaleur a été battu dans le pays. Cet été, c’est la première fois que le service météorologique britannique a émis une alerte rouge « chaleur extrême » en Angleterre. Les températures pourraient dépasser le seuil des 40 °C. Paul Gundersen, chef météorologiste au Met Office britannique : « Il y a actuellement 50% de chances que nous voyions les températures atteindre 40 °C et 80% de chances que de nouvelles températures maximales soient atteintes« .

En République Tchèque, c’est le parc national de la Suisse de Bohême (České Švýcarsko), à la frontière de la Tchéquie et de l’Allemagne qui s’est embrasé dimanche 24 juillet. Maîtrisé le vendredi 12 août après 20 jours de lutte, le feu a détruit près de 1060 hectares de nature, nécessité l’intervention de 6000 pompiers ainsi que l’évacuation de centaines de personnes dans une région hautement touristique. Comme l’explique Petr Ošlejšek, directeur adjoint du corps des sapeurs-pompiers pour la gestion opérationnelle : « Le terrain y est très difficile, avec de nombreux arbres couchés. À cause du vent intense, le feu s’est rapidement propagé. Il a plusieurs foyers. Nous sommes confrontés à un incendie massif, comparable à ceux qui se produisent en Europe du Sud ou aux Etats-Unis. »

VERS UN AVENIR "ENFUMÉ"?

Le réchauffement climatique n’est pas directement responsable des incendies selon les spécialistes, ni de leur puissance, mais rend les conditions favorables aux épisodes climatiques extrêmes.

Mike Flannigan, professeur à l’Université d’Alberta au Canada, étudie le feu depuis plus de trente ans axant ses recherches sur les principaux ingrédients des incendies de forêt destructeurs dans le monde entier. Flannigan et une équipe de chercheurs du Service canadien des forêts ont analysé les résultats de près de 50 études internationales sur les changements climatiques et les risques d’incendie.

Ils ont constaté que notre avenir semblait « enfumé » parce que les changements climatiques aggravent les trois principaux facteurs qui influencent les incendies de forêt : avoir du combustible sec à brûler, des éclairs fréquents qui déclenchent des incendies et un temps sec et venteux qui attise les flammes.

Sur les quatre dernières années, nous avons eu en France, trois années avec les températures les plus élevées en 100 ans. Sur les sept dernières années, six sont considérées comme sèches ou très sèches. Cette conjonction chaleur et sécheresse produit des incendies de plus en plus difficiles à arrêter. Avec ces conditions climatiques, les grands arbres et la végétation au sol meurent ou dépérissent et produisent de la biomasse sèche. Avec cette végétation sèche accumulée, particulièrement combustible et inflammable, les incendies vont plus vite et brûlent plus fort.

Mais comme Mike Flannigan le souligne : « les incendies de forêt sont causés par deux choses : la foudre et les personnes. » La hausse des températures favorise le développement de plus de tempêtes capables de produire de la foudre, la principale cause des incendies de forêt dans les régions éloignées et de plus de la moitié des incendies de forêt.

Le troisième élément déterminant la gravité des incendies de forêt est le temps sec et venteux: les conditions que Mike Flannigan appelle « Les conditions météorologiques rattachées aux incendies. » Le vent se propage plus rapidement dans les incendies de forêt et les rend beaucoup plus difficiles à éteindre. Les changements climatiques dressent des obstacles de sorte que les conditions météorologiques chaudes, sèches et venteuses apparaissent plus fréquemment qu’auparavant.

Formation aux capacités de réponse de la Défense Civile de Jezzine, Liban, juin 2022

Comment pouvons nous « nous adapter » à un monde avec beaucoup plus d’incendies de forêt ? Heureusement, il existe un certain nombre de mesures que les individus et les municipalités peuvent prendre pour réduire les risques d’incendie.

Les municipalités peuvent créer et entretenir des zones de protection contre les incendies autour et à l’intérieur de leurs communautés en abattant les arbres au bulldozer, en enlevant les déchets forestiers accumulés et en utilisant les parcs et les espaces ouverts de manière créative. Les propriétaires et les entreprises peuvent concevoir des bâtiments en tenant compte de la sécurité incendie, par exemple en évitant l’utilisation de matériaux inflammables dans la construction et l’aménagement paysager.

Dominique Morvan, chercheur à l’université d’Aix-Marseille et spécialiste de la propagation des feux de forêt, propose l’agriculture, notamment la culture de la vigne et de l’olive, comme coupe feu naturel : “l’objectif sur ces zones est de créer et de maintenir de vastes étendues non boisées bordées de forêts peu denses. Ainsi si un incendie arrive, il sera arrêté ou au moins freiné par cette grande coupure de végétation.

Nous devons également adapter nos stratégies de lutte contre les incendies de forêt à un monde où les incendies sont plus fréquents et plus intenses. En concentrant les budgets et les capacités de lutte contre les incendies sur les incendies de forêt qui menacent directement les vies humaines et les moyens de subsistance, on évitera les impacts les plus catastrophiques, on réduira naturellement l’accumulation de combustible sec dans la nature et on empêchera que les coûts de lutte contre les incendies de forêt deviennent incontrôlables, tout comme l’aggravation des incendies de forêt.

Une étude publiée par l’université du Maryland constate qu’en 20 ans, les dégâts des feux de forêt dans le monde ont été multipliés par deux. Les incendies sont inévitables et les changements climatiques les rendront plus communs et plus dévastateurs : il est logique de planifier la manière dont nous construisons, travaillons et vivons près des forêts en tenant compte de la sécurité incendie. Plusieurs leviers d’actions peuvent être enclenchés afin de limiter les feux et leur propagation, l’élaboration et la mise en place d’un plan de gouvernance intégrant le risque incendie des espaces naturels reste le meilleur moyen de prévenir et d’agir de manière durable.

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