L’innovation technologique dans l’éducation à la prévention des risques

Comment sensibiliser les plus jeunes aux gestes qui sauvent ? Développer leur sens civique et citoyen ? Depuis 2016, Pompiers sans Frontières, s’implique dans la formation des cadets et cadettes de la sécurité civile au sein du collège Jas de Bouffan d’Aix-en-Provence. Ce programme de protection civile participative permet de sensibiliser cette promotion de 15 élèves aux comportements de prévention et d’intégrer des valeurs citoyennes telles que la tolérance, le goût de l’effort ou le vivre-ensemble. La formation dont ils bénéficient leur apprend à identifier les risques : que faire lors d’un départ d’incendie? Comment réagir lors d’un mouvement de panique ou d’une intrusion au sein de leur établissement scolaire? Quels sont les bons réflexes à adopter en cas de séisme ou d’inondation? Notre ONG souhaite employer des pratiques innovantes en réalisant des modules intégrant la réalité virtuelle dans la formation des cadets. 

Qui est José Vargas?

Membre de Pompiers-sans-Frontières depuis bientôt 10 ans, occupant actuellement le poste de chargé de projet innovation, José Vargas est un passionné des nouvelles technologies : Diplômé en 2010 de l’Institut Universitaire de Technologie d’Aix-Marseille, il s’évertue durant son parcours professionnel à aider, conseiller et évangéliser les nouvelles technologies aux entreprises. La conception et la réalisation de projet en VR/AR n’ont plus de secret pour lui. Il travaille maintenant pour le studio Iconik spécialisé en jeux vidéo en réalité virtuelle.

" Est ce que tu pourrais nous expliquer ce qu’est la réalité virtuelle ? "

La réalité virtuelle, c’est tromper le cerveau des gens afin de les téléporter dans un autre monde et leur faire croire qu’ils y sont vraiment. C’est une magie qui permet de s’immerger totalement dans un autre univers. Comme dans les films de Spielberg !

Concrètement, ça permet d’apporter de la 3D devant ses yeux à l’aide de différentes technologies, à l’heure actuelle on parle de « casque » de réalité virtuelle – comme des lunettes ou des masques –. En fait, la réalité virtuelle c’est quand on va mettre des lentilles qui vont permettre de voir de près un écran mobile.

" En quoi diffère-t-elle de la réalité augmentée ou de la réalité étendue (ou mixte) ? "

Techniquement c’est le même moteur qui est derrière, la même technologie : c’est un écran et on met de la 3D dedans. La différence va se trouver dans la sensation de l’utilisateur

On a la réalité virtuelle (VR) dont nous venons de parler, où l’utilisateur se projette dans un monde totalement différent de la réalité ; la réalité augmentée (AR) quand à elle va faire croire à l’utilisateur lorsqu’il regarde un téléphone mobile que l’objet 3D est vraiment dans sa réalité et ce à travers la caméra du téléphone. Cette dernière va comprendre le monde réel et ajouter la 3D dessus par le biais d’un écran et c’est en se déplaçant avec l’écran mobile et non pas devant les yeux que l’utilisateur aura la sensation que l’objet est là. La réalité étendue (XR) c’est lorsqu’on mélange les deux. On va retrouver un écran devant les yeux de l’utilisateur mais il y a une caméra dans les casques qui va permettre de capter l’environnement et le retranscrire, ou bien des lunettes transparentes qui permettent à l’utilisateur de voir la réalité sur laquelle on ajoute la 3D. 

Selon les besoins du projet, c’est -à -dire si on a besoin que l’expérience soit plus sensitive, plus technique ou si c’est quelque chose qu’on a besoin de voir dans la réalité pour avoir de l’information en plus on utilisera une technologie plutôt qu’une autre. Par exemple, la réalité étendue est très utile en logistique, on aide les logisticiens à comprendre ce qu’ils voient et ce qu’ils doivent faire avec ou encore en médecine notamment en chirurgie, mais là cela devient de la formation. Beaucoup d’écoles pourraient imaginer de former à l’aide d’outils en réalité étendue.

"Quand on pense réalité virtuelle on a tendance à l’associer au domaine du divertissement, en particulier des jeux vidéo. Quels sont d’après toi les autres domaines où l’application de la VR fait sens ?"

Lorsque je présentais des projets VR, il y avait beaucoup cette sensation « gadget », que cela s’adressait aux enfants pour jouer et pas aux adultes pour travailler. Pour beaucoup de personnes, « l’effet gadget » est synonyme de « pas rentable », et c’est vrai. La problématique quand on atteint des projets utiles, c’est de ne pas perdre d’argent. Pour cela, il faut de la logistique et du temps humain. En reprenant l’exemple de l’utilité en logistique, les employés prennent des produits pour les ranger, les envoyer et il peut y avoir des erreurs humaines. L’idée c’est d’ajouter une couche de sécurité robotique pour les éviter ou à minima, réduire la marge d’erreur.

Comment faire comprendre l’utilité de ces outils innovants ? C’est au porteur du projet à qui incombe la responsabilité de trouver une utilité à la VR. Par exemple, je présentais la technologie et en face se trouvait le « client » ou plutôt la personne qui avait un besoin ou un problème. Si la VR peut résoudre cet obstacle, elle y trouvera sa place mais sans problème à résoudre cela devient un jeu. Pour faire sens, il faut une bonne problématique. Un autre exemple, c’est de pouvoir avoir une information en temps réel lors d’opérations de maintenance ou de réparation. C’est à ce moment-là que la VR fait sens : on ne va pas gagner de l’argent, mais on ne va pas en perdre et on va gagner du temps et de la sécurité.

"Penses-tu qu’il existe des obstacles à la VR ? Si oui lesquels ?"

De moins en moins. Il y a cinq ans, le coût de départ était très conséquent et nécessitait un minimum de budget pour pouvoir créer quelque chose d’intéressant. Le prix d’un casque à cette époque était de l’ordre de 1500/2000 euros. C’est grâce aux GAFA (nb: acronyme désignant les géants du web, Google Amazon Facebook et Apple) qui eux investissent et prennent le risque d’aller dans ce monde là, que la VR s’est démocratisée et internationalisée. Beaucoup de personnes maintenant possèdent chez eux un casque de réalité virtuelle, ce qui n’était pas le cas il y a encore quelques années où seulement les professionnels disposaient de l’équipement pour. Aujourd’hui, un casque de VR coûte environ 350 euros. Voir même, avec les Google Cardboard, et sous réserve de posséder un smartphone, on peut en obtenir un pour une dizaine d’euros. 

Un autre obstacle c’est que le grand public n’est pas encore très au fait de ce qui existe et ce que l’on peut réaliser à l’aide de ces technologies. C’est grâce à des jeux tels que Pokemon Go qu’il y a eu une réelle démocratisation. Aujourd’hui, tout le monde connaît la réalité augmentée grâce à Pokemon Go! Les deux gros freins c’était cela pour moi : la communication et les moyens techniques.

J’ai aussi beaucoup de personnes qui me disaient préférer se voir “en vrai” que virtuellement. Comme pour tout projet innovant, il y a une forte inertie au début. Avec la pandémie tout le monde a fait des Zoom (appels vidéo) ! Le besoin de se réunir était plus fort que la réticence de le faire virtuellement. 

Les Google Cardboard

"En tant que professionnel, comment envisages-tu le futur de la VR ? Quelles seront ses évolutions ?"

Une des première combinaison sensorielle de réalité virtuelle datant de 1989
Une des première combinaison sensorielle de réalité virtuelle datant de 1989

De mon point de vue, j’ai toujours eu l’impression que la réalité virtuelle est une technologie plutôt ancienne. Ce n’est pas “has been”, mais ce sont de vieilles idées. Quand on parle de VR, on pourrait utiliser un autre mot : sensoriel. Quand les gens disent “on va utiliser la VR pour faire tel projet” il y a une incompréhension : en réalité c’est un projet sensoriel que l’utilisateur va vivre et non pas “utiliser”. Ils ne vont pas “utiliser” l’outil, ils vont vivre une histoire, un problème, un usage et cela devient corporel. De la même façon que lorsqu’on va faire un foot et que l’on va jouer ensemble, s’entraîner, courir : c’est un effort physique. Pour la VR c’est pareil.

Le futur de la VR pour moi c’est son intégration à notre quotidien, à l’image du téléphone portable : avant on était équipé de Nokia 3310 et un mobile ne servait qu’à téléphoner. On a encore les “vieux de la vieille” qui disent que leur téléphone ne leur sert qu’à passer des coups de fil, mais pour d’autres il est devenu un outil indispensable à leur vie. Pour moi, le futur de la VR, c’est des gens qui se disent “si on a pas de casque, on ne peut pas vivre” parce qu’il y aurait tout dans ce casque. Je peux fêter l’anniversaire de ma cousine chez elle en Thaïlande et me réunir avec toute ma famille parce qu’on serait tous équipés et on se verrait tous en virtuel.

C’est ce concept qui revient avec chaque projet innovant : sans internet on ne peut pas vivre, sans notre voiture on ne peut pas vivre… Le problème physique c’est qu’il faut que ça soit encore plus petit. Avant, on ne pouvait pas mettre un ordinateur dans sa poche mais maintenant on peut y mettre son téléphone qui est presque aussi performant, le casque c’est pareil : l’idée ça serait d’avoir des lunettes transparentes qui comprendraient un ordinateur et qu’avec nos mains -connectées évidemment – on écrive nos SMS sur un clavier virtuel. En fait, ce serait notre téléphone qui serait connecté aux lunettes que tout le monde porterait et on pourrait se dire “tiens je veux acheter une paire de chaussures” et boom elles apparaîtraient devant nous sur la table ou encore “aller je pars dans un monde virtuel” et boom téléportation! Ca c’est le futur!

"Et en tant que passionné ? Qu’est ce que tu aimerais voir ces prochaines années en terme d’innovation dans ce domaine ?"

Avec la réalité virtuelle, on écrase, ou plutôt on “change” en quelque sorte deux sens : la vue et l’ouïe. Mais on arrive pas encore à altérer les 3 autres : l’odorat, le goût et le toucher. Ce serait quelque chose vers lequel il faudrait tendre. Il existe des start-up, des petites entreprises qui commencent à créer des accessoires comme des vestes haptiques, des diffuseurs odorants dans les casques… Maintenant FB est en train de mettre en place le toucher pour les mains mais idéalement il faudrait toucher l’intégralité du corps.

Le prototype de gants haptiques développé par Méta
"Skinetic" la veste haptique développé par Actronika
Le Nosulus Rift d'Ubisoft, un simulateur d'odeur

"Lors des premières projections de “l’Arrivée d’un train en gare de la Ciotat”, la légende raconte que le public fut pris de panique en voyant la locomotive leur “foncer dessus”, penses-tu qu’un jour le grand public sera autant à l’aise avec la VR qu’au cinéma aujourd’hui?"

Au début du cinéma, les gens étaient impressionnés voire effrayés et ils devaient se rendre dans des endroits dédiés pour visionner des films. Aujourd’hui, plus personne n’a peur du cinéma et Netflix permet à chacun de regarder des films depuis son domicile. Pour moi c’est la même chose : les gens qui en ont peur maintenant vont s’y habituer et ça deviendra normal pour eux et tout le monde l’aura chez soi. S’ils en ont peur, c’est aussi parce qu’ils n’y ont pas du tout été confrontés ou très peu. C’est ce que je trouve le plus intéressant dans ce domaine,  ça reste encore nouveau. Quand les gens n’auront plus peur c’est qu’ils y seront habitués et à ce moment  nous devrons être encore plus innovants

Je pense sincèrement que tout le monde aura ça chez soi, comme tout le monde possède un ordinateur ou une télévision. Je crois qu’il y a eu plus de 5 millions de ventes d’oculus quest (nb: d’après les estimations, entre 5 à 10 millions d’oculus quest 2 écoulés) ce qui sous entend que tout autant de personnes au minimum en possèdent un. Ça reste encore pour beaucoup du divertissement mais la technologie est déjà présente dans notre quotidien,  il nous suffit de proposer au public des nouvelles fonctionnalités utiles et pratiques dans leur vie de tous les jours. Peut-être que par la suite, ceux qui ne sont pas encore équipés n’auront pas forcément l’envie mais auront le besoin de l’être

"La VR est déjà utilisée comme outils de formation par exemple la NASA qui développe depuis plus d’une décennie des programmes de formation d’astronautes en VR. Quel est l’intérêt de la VR dans la formation ?"

On peut se tromper sans casser ou endommager du matériel, on peut réessayer à l’infini sans conséquences, on peut simuler tous les paramètres environnementaux… Quand on fait une formation en VR ce n’est plus uniquement une formation technique mais c’est aussi une formation du corps humain. L’idée c’est d’entraîner son corps à certaines situations et de l’aider à acquérir des réflexes. C’est pour cela qu’il faut mélanger les casques VR avec d’autres accessoires comme des plateformes vibrantes pour faire trembler le sol, des vestes tactiques pour ressentir les impacts, des manettes ou des gants pour manipuler des objets… 

Par exemple, lors des entraînements d’astronautes, on va non seulement utiliser un casque VR pour simuler sa présence dans l’espace ou la station spatiale internationale mais également un système de suspension avec des câbles tractés pour simuler la sensation d’impesanteur. Les gens qui ont un problème de cinétose (nb: un trouble qui se manifeste dans une situation de discordance entre la perception visuelle et le système vestibulaire, souvent assimilé au mal des transports et appelé dans le cadre de la VR la motion sickness) c’est parce que tous les sens ne sont pas “désactivés” ou “bridés” par la technologie. D’où l’intérêt d’intégrer d’autres accessoires au casque VR. 

Lors d’une formation classique on a généralement un formateur et un powerpoint ou alors on doit amener la logistique d’équipement dans la salle où se tient la formation. C’est donc des frais de déplacements, du temps de dépensé, de la préparation, le coût du formateur… Alors qu’en utilisant la VR dans le cadre de la formation on joue sur ces variables. Sans oublier que chacun peut être maître de sa formation, essayer plusieurs fois le premier niveau jusqu’à le réussir et passer au suivant, là où durant une formation standard on enchaîne les cours sans s’adapter au rythme de chacun

Il y a aussi la possibilité d’être en multijoueurs et donc d’être connectés à plusieurs dans le même univers, pourquoi pas à distance. On sera plusieurs non pas à suivre une même formation à un « instant T » mais à vivre la même expérience ensemble

Le Cabinet américain PwC a conduit une étude autour de l’efficacité de la réalité virtuelle dans la formation aux compétences générales. Intitulée « How virtual reality is redefining soft skills training » (Comment la réalité virtuelle redéfinit la formation aux compétences générales), l’enquête révèle que la réalité virtuelle est un véritable accélérateur de la formation en entreprise. Le groupe d’employés sélectionnés aux Etats-Unis a suivi la même formation de 3 manières différentes : salle de classe, e-learning et réalité virtuelle. Voici quelques résultats chiffrés :

  • Apprentissage jusqu’à 4 fois plus rapide qu’en présentiel : Ce qui a pris deux heures à apprendre en présentiel a été acquis en 45 min en e-learning et en seulement 30 minutes avec la réalité virtuelle. Au cours de l’étude, les apprenants en VR ont toujours terminé la formation trois fois plus rapidement que les apprenants en classe.
  • 275% plus confiants dans la mise en œuvre du savoir acquis : Dans la mesure où la réalité virtuelle peut permettre de s’entraîner à des situations difficiles dans un environnement sûr, les apprenants ont montré un niveau de confiance plus élevée et une capacité améliorée à appliquer réellement l’apprentissage sur le tas. Ils étaient jusqu’à 275% plus confiants pour agir sur ce qu’ils avaient appris, soit 40% de plus par rapport à la salle de classe et 35% par rapport à la formation en ligne.
  • 3,75% plus connectés émotionnellement au contenu de la formation : Grâce à la stimulation de leurs émotions lors de l’utilisation de la VR, les apprenants comprennent et se souviennent plus profondément des informations apprises. L’apprentissage basé sur la simulation en réalité virtuelle donne aux apprenants l’impression d’avoir vécu une expérience significative.
  • 4 fois plus concentrés que leurs pairs : Les employés sujets à l’étude étaient jusqu’à 4 fois plus concentrés pendant la formation en réalité virtuelle que ceux étudiant en ligne et 1,5 fois plus concentrés que leurs collègues de classe.

"Est ce que tu pourrais nous parler du projet des cadets de la sécurité civile que tu développes avec Pompiers-sans-Frontières ?"

On s’est inspiré des réactions des jeunes lors de leur premier contact avec la réalité virtuelle pour créer ce projet. Au lieu de proposer une formation uniquement à la gestion des risques, on commence par une initiation à la gestion des émotions et de la peur. Rien que l’étape de sensation, de ressenti de son corps à travers un univers et une situation virtuelle a rempli aisément un module d’une heure. 

Soit tu es dans une salle de formation et tu écoutes, soit tu vis la situation. Tu es le personnage principal du jeu, le héros! Notre travail, c’est que la personne va chercher à résoudre le problème par elle-même et le casque est là pour lui faire croire qu’elle est acteur de sa formation et l’inciter à prendre l’initiative

Dans le cadre du projet de formation des cadets de la sécurité civile, nous souhaitons développer quatre modules de réalité virtuelle correspondant à quatre risques ou catastrophes : une simulation de séisme, une simulation d’inondation, une simulation d’accident de la route et une simulation d’incendie. Ces quatre situations sont des expériences à vivre et non pas à expliquer et la VR permet de le faire en toute sécurité.  

"Qu’est ce que tu aimerais réaliser à travers ce projet ?"

Ce que j’aimerais personnellement, c’est que ce projet puisse être accessible à terme à tous les enfants et même pourquoi pas aux adultes. Tout le monde devrait pouvoir s’entraîner à gérer sa peur ou à développer les bons réflexes dans des situations à risques. Notre objectif est d’insuffler une dynamique au-delà de nos interventions afin de mettre l’innovation au service de la formation. Pour moi ça serait ça, pouvoir internationaliser ce savoir, qu’il n’y ait plus de frontières.

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