a. Ce qu’en dit Joëlle Barakat, responsable de la conservation à Jabal Moussa
– Pourquoi avoir créé la réserve de biosphère en 2009 ? Et pourquoi ce statut ?
L’APJM a été fondée en 2007. C’est aussi cette année-là que les premières recherches et études scientifiques effectuées à Jabal Moussa ont mis en lumière la richesse de sa biodiversité et la nécessité de la préserver. Or, comme la plupart des terrains à Jabal Moussa sont privés, l’APJM ne pouvait pas mettre en place une réserve naturelle. Ces deux raisons, couplées à l’apparition de projets de création d’une carrière et d’autres infrastructures au cœur de la montagne ; ont poussé l’APJM à présenter, avec l’aide du Comité MAB Liban, un dossier à l’UNESCO. Dossier qui a été accepté en 2009, date de la création effective de la Réserve de Biosphère.
Ses objectifs sont la préservation et le développement, par les locaux et pour les locaux.
Aujourd’hui le site est aussi un site naturel protégé par les Ministères de l’Environnement et de l’Agriculture.
– Quels sont les enjeux principaux de la conservation de la RBJM ?
Dans la Réserve de Biosphère de Jabal Moussa, la conservation a trois volets.
Tout d’abord, il s’agit de conserver l’habitat, c’est-à-dire la montagne elle-même, car elle abrite des espèces endémiques, des espèces rares, des espèces en danger (flore surtout), des oiseaux et des mammifères.
Ensuite il s’agit de conserver son aspect archéologique et géologique, car, par exemple, les plus anciennes formations géologiques du Liban se trouvent là-bas.
Finalement, il s’agit de conserver la vie et les traditions des communautés rurales, et notamment celles des groupes les plus vulnérables au sein de ces communautés : femmes, jeunes, sans emploi etc…
– Quels risques connaît aujourd’hui la RBJM ?
Les risques que connaît la RBJM sont nombreux et divers.
Le Dr George Mitri a montré (voir paragraphe suivant) que le risque de feux de forêts est très prégnant à Jabal Moussa. D’autres risques naturels existant dans la réserve, tels que l’érosion, les glissements de terrain, sont aggravés par les activités humaines. Certaines, parce qu’elles ne sont pas encadrées, la coupe illégale, la présence de carrière, la chasse, le charbonnage et le pâturage sauvages, mettent également en péril la réserve. Les projets d’urbanisation chaotiques et non contrôlés sont autant de menaces qui pèsent sur les sites culturels essaimés dans la montagne. Finalement, l’exode rural et le manque d’opportunités professionnelles constituent des risques sociaux non négligeables.
– Qu’avez-vous mis ou prévu de mettre en place pour y répondre ?
Pour pallier aux risques sociaux, l’APJM a élaboré et mis en place une stratégie de développement qui passe par l’éco-tourisme (maisons d’hôtes, guides, ventes de produits du territoire) et la création d’une image de marque, dont bénéficient les communautés locales.
Côté urbanisme, l’APJM a peu de marge de manœuvre en tant qu’association, mais elle travaille avec les municipalités pour les sensibiliser aux enjeux de la planification urbaine et les faire réagir quand c’est nécessaire.
L’APJM travaille également, en relation étroite avec les partenaires précieux que sont LRI (Lebanon Reforestation Initiative) et l’Ambassade du Japon, à une meilleure gestion du risque feu de forêt. Cela passe par la sensibilisation des jeunes et des adultes et la mise en place d’infrastructures pour pouvoir mieux lutter contre les feux de forêts, comme à Chouwen où des tuyaux d’eau à haute pression ont été installés. .
Et bien sûr, l’APJM collabore sur ce sujet avec Pompiers Sans Frontières (voir dernier paragraphe).
b. Ce qu’en dit l’expert
D’après une étude effectuée en 2016 par le Dr George Mitri, Professeur Associé en Sciences Environnementales à l’Université de Balamand & expert en gestion des risques de feu des espaces naturels, sur l’évaluation des risques d’incendie à Jabal Moussa :
– Le risque incendie modéré concerne environ 37% de la surface de la réserve
– Le risque incendie élevé concerne environ 46% de la surface de la réserve, dont surtout les espaces boisés de la zone centrale.
Le Dr George Mitri énumère trois tactiques pour réduire le risque incendie dans la RBJM :
1. Réduire le danger de feu : débroussailler – et enlever les débris issus du débroussaillage, dans les zones qui en ont besoin et implémenter des coupe-feux & des pare-feux, résoudre le problème des déchets au sein de la réserve.
2. Mettre en place une planification et une gestion des ressources naturelles – incluant la gestion des feux de forêts – par la communauté locale.
3. Développer un certain niveau de connaissances et de sensibilisation du public sur ce sujet.
Ces trois tactiques sont parfaitement en cohérence avec le projet ce que PSF a commencé à implémenter dans la RBJM en coopération avec l’APJM et prévoit de continuer dans les prochaines années à venir.[1]
[1]Fire risk Assessment of Jabal Moussa (Kesrouan-Jbeil) and its surrounding, 2016, Dr George Mitri